Présentation du troisième cycle du séminaire 2023-2024

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Organisation : Olivier TOURNY (IDEAS), Matteo CIALONE (IDEAS)

Les territoires des musiques : dynamiques et lisières

Il n’existe pas de sociétés sans musiques. La musique (ou quel que soit le terme pour la définir et l’incarner) est avant tout plurielle. Les territoires des musiques se composent par leurs diversités aréales et sociétales, par leurs dimensions diachroniques et synchroniques, par leurs écritures matérielles et symboliques. Ils sont des écosystèmes fragiles et complexes. Le compositeur, l’interprète, l’analyste, l’auditeur : tout ce monde est convoqué dans des créativités sans cesse questionnées, dépassées, renouvelées. Dans le cadre de ce cycle, notre regard portera sur les dynamiques et les lisières de ces territoires.


Séance introductive : 22 mars 2024, 14h-16h, MMSH (salle Duby)

Matteo Cialone (Ethnomusicologue, doctorant IDEAS AMU)

Entre conservation et oubli : lisières de la mémoire musicale enregistrée

Le processus d'archivage implique de choisir ce qui doit être conservé et ce qui ne peut pas l'être, les rouages évoquant une relation entre pouvoir et savoir. S'inspirant de l'hyperbole littéraire d'Italo Calvino dans Un roi à l'écoute, qui caricature l'exercice d'un pouvoir disciplinaire et de surveillance à travers les sons, il s’agira de questionner l’emprise d’une autorité archivante sur les fonds musicaux dont elle a la charge, impactant ainsi l'exposition ou la rétention de ces savoirs.

 

Olivier Tourny (Ethnomusicologue, DR CNRS, IDEAS AMU)

Se nourrir des lisières du terrain ethnomusicologique. Trois écosystèmes en analyse.

Faire du terrain en ethnomusicologie, c’est la base, un parcours initiatique, la promesse possible d’une reconnaissance académique, une expérience quasi diplômante. Mais quel drôle de terrain : enregistrer par le son (et la vidéo) une communauté, témoigner de ses vibrations à l’heure d’enterrer ses morts, de célébrer ses vivants, de louer ses divinités ou encore de faire la fête. Tenter de comprendre ce qui se joue et se trame dans les méandres de l’anthropologie, les couloirs du symbolique, la systématique du musical en actions. Et pour le chercheur de répondre à ces deux questions qui parfois le taraudent : mais qu’est-ce que je fais là ? Et pourquoi ? À ces questions, nous répondrons par l’exemple que dans cette relation profonde qui unit le chercheur à ses terrains, ce sont toujours ces derniers qui ont le dernier mot. 


Séance 2 : 5 avril 2024, 14h-16h, MMSH (salle P. A. Février)

Sylvie Le Bomin (Ethnomusicologue, Professeure Université Paris Sorbonne, IREMUS)

Existe-t-il une identité musicale pygmée?

Au Gabon, six termes désignent des populations que l’Occident nomme Pygmées  et qui correspondent plus ou moins à une répartition géographique. Diversifiés ou apparentés par leurs noms, les Pygmées du Gabon présentent un terrain d’enquête privilégié pour l’investigation des processus identitaires et de diversification. Ils permettent aussi d'élargir la question de l'ancestralité commune des populations pygmées, biologique et/ou culturelle, à l'échelle de l'Afrique centrale.

Notre présentation s'appuiera sur les résultats obtenus au travers d'une recherche inter/pluri-disciplinaire, intégrant les données de la génétique des populations, de la linguistique, de l'ethnomusicologie et la phylogénie musicale. 

 

Marc Chemillier (Musicien, Informaticien, Anthropologue, DE, CAMS, EHESS)

Musiques traditionnelles et intelligence artificielle, rencontre à la frontière de deux mondes

La notion de bi-musicalité introduite par Mantle Hood dans les années 1960 traduit l'idée de rencontre à la frontière entre deux mondes. Elle prend un aspect nouveau aujourd'hui à l'ère de la mondialisation et des questions postcoloniales. L'apprentissage automatique de logiciels musicaux et la créativité artificielle apportent de nouvelles questions intéressantes dans ce domaine, en tant qu'extensions possibles de la musicalité humaine et de l'apprentissage des instruments de musique. J'explorerai ces idées en les illustrant par des vidéos d'interaction en direct d'un ordinateur avec des musiciens de Madagascar à l'aide du logiciel d'improvisation Djazz développé à l'IRCAM et à l'EHESS à Paris. On proposera quelques réflexions et un regard critique sur certaines positions dans le champ de la décolonisation des savoirs où les rencontres entre des mondes différents sont souvent suspectées de relations de domination.


Séance 3 : 12 avril 2024, 14h-16h, MMSH (salle Duby)

Julien Ferrando (Musicologue, MCF AMU, IDEAS)

Interdisciplinarité et musicologie du son. Entre archéo-acoustique et étude de la bande sonore au cinéma
(Du palais des Papes d’Avignon aux fonds sonores cinématographiques de Marcel Pagnol)

Le projet HeSoAN (Hear the Sound of Ars Nova) est le point de départ d’une nouvelle manière d’appréhender le patrimoine par l’approche sonore sensorielle.  Ancré dans l’interdisciplinarité, il conjugue la musicologie médiévale avec l'acoustique virtuelle appliquée aux espaces patrimoniaux.  Le point de départ de cette aventure scientifique se fonde sur la question suivante : si de nos jours, la Grande Chapelle du Palais des Papes à Avignon présente un aspect bien différent de son origine, avec des murs nus et un manque total de décoration et de mobilier, comment « sonnait-elle » à l’heure où la polyphonie de l’Ars Nova du XIVe siècle était en plein essor ? Depuis l’Antiquité, et sans doute même avant, l’on sait la corrélation entre le bâti, la qualité acoustique d’un espace et ses dimensions symboliques, cette attention d’en sublimer les résonances, plutôt que de les rendre confuses et chaotiques. Comme l’écrit Boèce: "Un timbre clair et puissant accompagné d'une résonance adéquate exprime, dans le meilleur des cas, la qualité éthérée et ascensionnelle du son. Un son qui atteint son apogée vers le divin".

En conjuguant sciences historiques, musicologiques et nouvelles technologies, l’ambition du programme est de reconstruire les propriétés acoustiques de la Grande Chapelle du Palais des Papes à Avignon et de restituer les sonorités polyphoniques du Moyen-Âge dans une démarche engagée dans la créativité scientifique et la médiation culturelle


Séance de reprise : 19 avril 2024, 14h-16h, MMSH (salle Duby)

Michaël Dian (musicien, pédagogue, Directeur du Festival musical de Chaillol) et Séverine Gabry-Thienpont (Ethnomusicologue, CNRS, IDEAS, AMU)