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 Magnétophone en bois,

Le programme de recherche MedMusMéditerranée(s) musicale(s): techniques, circulations et représentations (XIXe-XXe siècles) (labellisé ResÉFÉ (EFR-EFA-IFAO) et coporté par l'IDEAS par Panagiota Anagnostou et Séverine Gabry-Thienpont) examine la fabrique des musiques du bassin méditerranéen à la lumière des techniques d’électrification sonore, des circulations et des représentations auxquelles elles sont soumises. Pour le mener à bien, nous combinons la musicologie, l’anthropologie, l’archivistique et l’histoire des techniques. Cette démarche nous permet d’envisager les multiples réseaux et les échanges musicaux (technologiques, mélodiques, rythmiques, humains, institutionnels, médiatiques…) qui reflètent, mais surtout, créent, une aire culturelle et temporelle distincte, et d’analyser ce qu’ils nous disent de l’histoire culturelle et politique du monde méditerranéen contemporain.

Dans cette perspective, l’un des objectifs de ce programme consiste à comprendre et à comparer les processus d’archivage qui travaillent les musiques du bassin. Un tel intérêt suppose la mobilisation de sources originales et de méthodologies diverses. Afin de sensibiliser et de former les étudiant·es en master et en doctorat à ces méthodologies et de les encourager à adopter une approche pluridisciplinaire, une école d’été est organisée en 2025 par l’équipe coordinatrice de MedMus1 sur les thèmes transversaux de l’archive, de la constitution de corpus et de la création sonore. Cette école s’inscrit également dans la programmation de LIvAL – Living Altogether. Religious Pluralism, Inclusive Societies and Subjectivities in the face of Crisis, projet A*MIDEX 4.0 – AAP Recherche Blanc (2025-27) –, porté par l’IDEAS à amU (Aix-Marseille Université), qui interroge la pluralité des subjectivités religieuses contemporaines selon trois axes de réflexion, Ecritures, Musiques et Images, ainsi qu’un ancrage Atlantico-Méditerranéen.

Durant cette école, nous y considèrerons les démarches et les techniques d’archivage menées à l’heure actuelle sur les musiques du pourtour méditerranéen. Au-delà des inquiétudes relatives à la conservation sur le long terme des données collectées sur le terrain, mais aussi de la force que l’interopérabilité permet d’envisager, nous discuterons des processus de patrimonialisation des musiques en Méditerranée, de leurs contextes (temporels et géographiques), de leurs aspects juridiques et des choix opérés, tant par les institutions que par les individus. À partir de cas d’étude empiriques, nous aborderons la manière de constituer aujourd’hui des corpus, tant un but scientifique qu’artistique.

Cette école d’été sera divisée en deux temps : une session aixoise, centrée sur les techniques de collecte et de traitement des sources enregistrées, jusqu’à leur diffusion, puis une session lisboète, qui permettra d’étudier, à partir du cas des archives sonores nationales du Portugal, les processus et enjeux de la patrimonialisation des musiques sur le pourtour méditerranéen.


Session 1 – Aix-en-Provence, Médiathèque de la MMSH

1er-3 juillet 2025
 

Collecter, centraliser, classer : comment et pourquoi créer de l’archive musicale ?

L’archivage sonore des musiques est intimement lié à la question de leur enregistrement. En moins d’un siècle, les supports ont considérablement évolué : d’abord analogiques, impliquant une reproduction majoritairement mécanique du son (cylindres phonographiques, disques 78 tours, bandes, cassettes…), ils ont muté vers le numérique et ont évolué vers des formats qui se sont largement démocratisés. Ces mutations ont redessiné la notion-même d’archive musicale, permettant à des institutions, publiques comme privées, de rendre accessible en ligne une partie, sinon la totalité, de leurs collections sonores, autant qu’à des passionnés de constituer leurs propres archives en ligne. Dans ces conditions, c’est le concept-même de patrimonialisation des musiques qui se transforme, avec en filigrane l’épineuse question de la pérennité des supports et de leur contenu.

Cette première session vise à examiner la constitution de l’archive sonore et musicale, tant sous l’angle de la collecte, que sous celui de la consultation, en passant par une réflexion sur les usages relatifs aux pratiques duDo-It-Yourself (DIY) et aux démarches archivistiques individuelles – nous pensons particulièrement aux formes du patrimoine musical conservées sur le web et qui sont bien souvent le fait de mélomanes passionnés. Elle aura lieu du 1er au 3 juillet 2025 à la Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme (MMSH) d’Aix-en-Provence (France).

Dans une perspective interdisciplinaire, les objectifs de cette session interrogeront :

  • la planification et la collecte des sources sonores sur le terrain dans ses aspects techniques, de la prise de son à son traitement (formats, partage des données, contraintes acoustiques et matérielles, logiciels de traitement du son) ;
  • les questions éthiques, en regard notamment des aspects juridiques contemporains visant la protection des droits d’auteurs et de la propriété intellectuelle (principe de science ouverte, droit français et européen, etc.) ;
  • les pratiques de classement, de référencement, de typologie, de sauvegarde ;
  • le contexte de production des sources musicales dans le cas de consultation de fonds constitués, qui dépendent à la fois de politiques culturelles (étatiques et/ou privées) et d’évolutions techniques.

Ces thématiques mèneront à l’élaboration d’un guide des bonnes pratiques, allant de la collecte à l’analyse, qui sera rédigé durant ces trois jours en s’appuyant sur les exemples des participants·es. En vue de préparer la deuxième session lisboète, nous insisterons sur l’échelle géographique de notre démarche afin de :

  1. Réfléchir à la pertinence de considérer les musiques du pourtour méditerranéen comme un ensemble propice au comparatisme (quelle histoire ces musiques nous racontent-elles du bassin ?) ;
  2. Souligner l’hétérogénéité des techniques depuis l’émergence des premières archives, il y a plus d’un siècle, et les évolutions épistémologiques qui en découlent ;
  3. Envisager l’impact des politiques étatiques, culturelles et universitaires sur la notion-même d’archive et sur sa charge symbolique – notamment à l’heure des études post-coloniales.

 

Document
PROGRAMME intégral MedMus AIX EN PROVENCE

 

 


Session 2 – Lisbonne – Arquivo Nacional do Som

15-17 septembre 2025
 

Écrire une histoire de la Méditerranée par l’archive musicale : processus et enjeux de la patrimonialisation des musiques

Cette deuxième session a pour but de sensibiliser les étudiant·es à la fabrique de l’histoire musicale en Méditerranée et à ses enjeux politiques. Les concepts d’archivage et de patrimonialisation des musiques ont en effet déterminé – et déterminent encore – la production de mémoires collectives différentes au cours du temps et des lieux. L’objectif de cette deuxième session, qui se déroulera à Lisbonne, est d’entrer dans cette production, pour comprendre les démarches d’archivage individuelles, privées et nationales du musical, au sein du pourtour méditerranéen, et de réfléchir aux choix opérés : qu’en est-il des répertoires jugés non représentatifs des identités communautaires ou nationales à certaines époques, ou trop mainstream pour être pris au sérieux ? Quelles sont les conséquences de ces choix, pour les musiques, mais aussi pour celles et ceux qui les font, et quels sens revêtent-ils ? Ce sont les mémoires collectives et les identités fragmentées que nous explorerons durant cette deuxième session.

L’un des enjeux de cette école s’appuie sur une dynamique disciplinaire singulière : l’archive se situe au cœur de la discipline ethnomusicologie, ce qui a contribué à en dessiner les spécificités et les orientations tout au long du XXe siècle. Au gré des évolutions techniques, de nouveaux objets musicaux ont émergé et, de façon concomitante, le principe-même d’archive a considérablement évolué. À partir de l’expérience des archives phonographiques nationales du Portugal, nous aborderons durant cette seconde session un siècle et demi d’histoire des techniques et des idées, pour réfléchir à la notion d’archive quand elle touche de nouveaux objets musicaux. Nous envisagerons également les possibilités créatives autour de l’archive musicale, d’abord par le biais de leur valorisation, mais aussi par celui de la composition et du déploiement de nouveaux modes de création et de diffusion de l’offre culturelle à l’échelle des musiques en Méditerranée. Cette perspective nous permettra d’interroger :

  • les reconnaissances institutionnelles des fonds d’archives sonores en cours aujourd’hui sur le pourtour méditerranéen ;
  • l’histoire des collections au prisme à la fois des collecteurs et des outils et méthodes utilisés ;
  • l’avenir de l’archive musicale pour la recherche, pour la création et, par extension, pour les sociétés contemporaines.

Ces deux sessions seront encadrées par des archivistes, anthropologues, politologues ethnomusicologues, et des spécialistes de la région. Des exposés magistraux seront prolongés par des séances de discussion, et couplés à des ateliers de travail autour des recherches de chacun·e. Les réflexions et résultats seront diffusés via des podcasts sur les pratiques archivistiques ainsi que sur la rédaction de billets de blog présentant un corpus ou une archive avec un focus sur un usage présenté durant les deux sessions. Nous visons à initier, in fine, une cartographie collective critique des sources et des collections privées, repérant des fonds d’archives susceptibles d’intéresser musicologues, ethnomusicologues, anthropologues, sociologues et historiens de la musique.