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Paul LUCIANI (IDEAS), a le plaisir de vous inviter à la soutenance de sa thèse d'anthropologie intitulée :

Le berceau des subjectivités. Une anthropologie comparée des bébés à la crèche en France et en Tunisie
 

Soutenance prévue le vendredi 28 novembre 2025 à 14h00

Lieu :   MMSH, 5 Rue Château de l'Horloge, 13090 Aix-en-Provence 

Salle :  Paul-Albert Février

 

 

Composition du jury :

M. Benoît FLICHE  Aix Marseille Université, IDEAS  Directeur de thèse 
Mme Michèle BAUSSANT  Université Paris Nanterre, ISP UMR7220  Rapporteure 
M. Pierre-Yves GAUDARD  Université Paris-Descartes  Rapporteur 
Mme Katia BOISSEVAIN  Aix-Marseille Université, IDEAS  Examinatrice 
M. Jérôme COURDURIÈS  Université Toulouse Jean Jaurès, LISST  Examinateur 
Mme Natacha COLLOMB  Aix-Marseille Université, IDEAS  Examinatrice 
Mme Marie DESSONS  Université Paul Valéry Montepllier 3  Invitée

 

Résumé :

Les bébés sont généralement abordés indirectement par les sciences sociales, via les représentations des adultes qui s’en occupent. Cette thèse tente d’intégrer leur propre expérience du monde social à partir d’une observation très participante menée dans deux crèches, en France et en Tunisie. Elle part d’un constat surprenant : l’omniprésence de la conflictualité dans ces deux crèches. Considérant que cette conflictualité a des ressorts à la fois sociaux et subjectifs, je tente d'en rendre compte en postulant qu’elle émane de la rencontre, dans l’institution, entre deux processus intriqués, mais distincts : la socialisation des bébés et leur subjectivation.

Je commence par montrer que la crèche, en tant qu’institution, cristallise une conflictualité sociale qui se déploie autour des bébés en France et en Tunisie. L’approche comparative révèle en effet que la garde collective des jeunes enfants a une histoire très différente dans ces deux pays, mais que les crèches se rejoignent aujourd’hui autour de contradictions semblables. Celles-ci sont liées à leur statut ambigu et aux usages que les parents en font, mais également, du point de vue interne, à leur relative fermeture au monde extérieur et à des modes de fonctionnement tiraillés entre des préoccupations diverses (surveillance, sécurité, hygiène, épanouissement, éducation, etc.), lesquels se confrontent, en outre, à des exigences de rentabilité très fortes.

Dans ce cadre, la socialisation des bébés, intrinsèquement conflictuelle du fait des contraintes qu’elle leur impose, prend, à la crèche, un tour plus ou moins attentif à leur subjectivité. Je l’aborde à partir de trois perspectives. La première est celle de la séparation d’avec les proches, qui structure l’expérience des bébés et organise l’ensemble échanges (parents-enfants-professionnelles) autour d’une véritable « économie de l’attention ». La deuxième est celle des règles, qui ont une fonction socialisatrice, mais peuvent également dévoiler la dimension disciplinaire de l’institution. Mettant en évidence le fait que le « conflit d’obéissance » est un mode de subjectivation privilégié dans nos sociétés, elles définissent notamment ce que les adultes acceptent de recevoir de l’expression subjective spontanée des enfants. La troisième perspective est celle des normes véhiculées à l’égard des parents et des enfants. Si elles pointent une tendance de l’institution à exercer une forme de contrôle social, l’analyse révèle que celui-ci est souvent défensif et émane d’un réel « malaise dans la parentalité » affectant à la fois les parents et les crèches.

Fort de ces constats, je tente de retracer les parcours de subjectivation individuels des enfants, c’est-à-dire les manières singulières dont chacun d’eux se positionne par rapport à sa propre socialisation et dont celle-ci fait conflit en eux. J’identifie ainsi trois types de « problématiques subjectives » chez les bébés observés : le premier, relatif au travail d’individuation, révèle leur difficulté à accéder au monde social et symbolique ; le deuxième, se manifestant dans des jeux de places et d’identifications, pointe leur difficulté à trouver une place dans le monde social ; le troisième, lié à la performance ou à des inhibitions, exprime une difficulté à agir dans le monde social et dévoile une tendance à se construire en étouffant une partie de la subjectivité propre.

Globalement, cette thèse soutient que la conflictualité observée à la crèche en France et en Tunisie peut être rapportée à une contradiction relative aux conditions de socialisation des bébés dans les sociétés contemporaines, entre les exigences de celles-ci à l’égard des bébés et les ressources mises à leur disposition pour se construire, conduisant à entraver certains aspects de leur subjectivation.

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